Ci-dessus : des tickets de rationnement de carburant de 1947.
On imagine souvent qu’ils ont cessé d’exister avec le retour de la paix, mais pas du tout, et c’est pour cela qu’on en trouve parfois encore dans nos greniers.
Pour le pain par exemple, les tickets restent imposés jusqu’en 1949.
1939 : deux millions d’hommes mobilisés, la moitié des chevaux réquisitionnés… L’agriculture souffre. En 1940, des taxes sont instaurées sur la viande de boucherie, les volailles, les pommes à cidre, les pommes de terre, les gros légumes, les produits importés… mais les Allemands se servent ce qui accentue la pénurie.
Des cartes d’alimentation avec tickets détachables sont distribuées à la population. En 1941 par exemple, un adulte de catégorie A (ni cultivateur, ni travailleur de force) peut acheter un maximum de 250 g de pain par jour, de 250 g de viande et 75 g de fromage par semaine et, par mois, de : 3 litres de vin, 550 g de matières grasses, 500 g de sucre, 200 g de riz, 250 g de pâtes. Cette année-là, les tickets concernent aussi le charbon, les vêtements et le tissu. En 1943-1944, la pénurie est telle que certains tickets ne peuvent même pas être utilisés.
Comment faire ? C’est le système de la débrouille, notamment pour se chauffer
(petit écho aux soucis de cet hiver…).
À cette époque, on se chauffe encore essentiellement par des cheminées et des poêles, mais le bois manque. On fait donc flamber tout ce qui tombe sous la main : des journaux, des papiers mis en boulettes, des boîtes en carton remplies de sciure et de poussière…
Et faute de tissus chauds pour l’hiver, on glisse du papier de journal dans les doublures de vêtement, ça protège bien du froid.
Le savon manque ? On apprend à en fabriquer en mélangeant suif, cristaux de soude et résine. Autre recette possible : un plein seau de feuilles de lierre à faire bouillir deux heures dans cinq litres d’eau puis à mélanger, une fois filtré, avec un demi-paquet de lessive, permet d’obtenir, refroidi dans des petits moules, d’excellents savons !
Faute de caoutchouc et de cuir, les chaussures ont désormais des semelles en bois, voire même en moquette. Et dans les motifs d’absence des écoliers qui habitent loin du bourg, le maître note parfois : « N’a plus de chaussures ».
Comme le tissu manque, la récupération devient un art en soi pour s’habiller. On se taille des blouses dans les immenses rideaux de cretonne qui voilaient autrefois les lits, parfois dans la toile à matelas rayée blanche et grise. On découpe des tailleurs et des robes dans les dessus-de-lit, on transforme un manteau abîmé en jaquette, puis en gilet, puis en boléro… Lorsqu’ils sont troués, les pull-overs et les chaussettes sont détricotés :
on utilise ensuite leur laine ou leur fil pour refaire du neuf.